Le modèle américain de l’apogée des années 1950 à la remise en question des années 1960 et 1970

En 1776 les 13 colonies anglaises d’Amérique du Nord proclament leur indépendance et en 1787 est adoptée la constitution fédérale et ses amendements ; elle est toujours en vigueur aujourd’hui, enrichie de quelques amendements.

En 1945, le modèle américain est auréolé du prestige acquis par son rôle crucial dans la victoire contre les puissances de l’Axe et la défense des libertés contre les dictatures. Dans les années 50 il est à son apogée, consolidé par la puissance, le dynamisme et la réussite des Etats-Unis ; c’est le temps des certitudes et d’une Amérique sûre d’elle-même. Mais les difficultés, les problèmes, les crises ou les échecs se multiplient, et les EUA viennent à douter d’eux-mêmes surtout dans le courant des années 60 et pendant des années 70.Le modèle est contesté, affaibli, et pourtant suffisamment dynamique pour connaître le renouveau dans les années 80 et une nouvelle phase d’affirmation dans les années 90.

I. LES CARACTERES DU MODELE AMERICAIN

(Voir : les caracteres du modele americain. – Carto-GH, maj 2004)

A. UN MODELE POLITIQUE DE DEMOCRATIE LIBERALE

La démocratie US repose sur un certain nombre de piliers

  • Respect et garantie des libertés individuelles
  • Respect de la liberté des états de l’union
  • Généralisation du principe électif, y compris au niveau administratif, et brièveté des mandats pour mieux garantir l’expression et le contrôle des citoyens sur le pouvoir
  • Stricte séparation des pouvoirs
  • Bipartisme

La constitution  organise les pouvoirs et garantit les libertés ; elle peut être amendée

  • Les amendements permettent une relative souplesse, une évolution et une adaptation de la constitution, 27 au total, en deux siècles !
  • Le texte de l’amendement doit être voté aux 2/3 par chacune des deux chambres du Congrès puis ratifié par les législatures ou une convention ad hoc des ¾ des états.

1°)  Un état fédéral

a) Le pouvoir fédéral dispose d’un certain nombre de compétences :

• Battre monnaie,
• Réglementer les échanges,
• Entretenir les forces armées,
• Mener les relations extérieures : diplomatie, traités, paix ou guerre

b) Les 50 états de l’Union

Ils conservent tous les pouvoirs que les 13 premiers n’ont pas expressément délégués au pouvoir fédéral

Les états ont des constitutions, inspirées du modèle central

  • Un exécutif  entre les mains du le gouverneur, personnage très important dans l’état (Carter et Reagan ont d’abord été respectivement en Géorgie et en Californie)
  • Un législatif
  • Une chambre des représentants, représentant les citoyens
  • Un Sénat représentant les divisions  territoriales de l’état
  • Une Cour Suprême

Le respect des Etats au niveau fédéral

  • Garanti par le Sénat : chaque état quelle que soit sa taille y dispose de 2 représentants
  • Garanti par le système d’élection du président qui respecte la spécificité des états (rôle décisif des grands électeurs des Etats)

c) Un dense enchevêtrement de pouvoirs locaux

Près de 78000 unités administratives locales à retenir : Mairies et municipalités

Environ 3000 Comtés (shérif  : responsable de l’ordre)

2°) Une démocratie présidentielle à la stricte séparation des pouvoir

a) Le pouvoir exécutif, entre les mains du Président

Le président est élu pour quatre ans et ne peut exercer plus de deux mandats successifs.

Il est inamovible et ne peut être renversé sauf procédure exceptionnelle « d’impeachment » (destitution)

Il est assisté d’un vice-président élu en même temps que lui, dont la fonction principale est de lui succéder immédiatement en cas de décès, invalidité ou impeachment, et qui exerce en général un  rôle diplomatique sous le contrôle du président (missions à l’étranger par exemple)

1. Des attributions très importantes

  • Chef de l’exécutif

Il nomme les « secrétaires » à la tête des différents « départements » qui constituent son « cabinet » (on ne parle ni de ministres, ni de gouvernement) ; ils ne sont responsable que devant lui

 Il s’entoure de conseillers qui l’assistent directement à la Maison Blanche à Washington

Il contrôle l’administration fédérale

Il est responsable de l’application des lois

  • Chef de la diplomatie, il nomme les diplomates
  • Chef des armées
  • Peut exercer le cas échéant un droit de veto sur toute loi votée par le Congrès ; dans ce cas une majorité des 2/3 doit être acquise au Congrès pour valider le projet.

2. Le mode d’élection du président

La sélection du candidat

  • Les partis républicain et démocrate désignent leurs délégués à la Convention nationale du Parti

Soit dans des conventions d’état, par les instances du parti

Soit de plus en plus par des « élections primaires » dans le cadre de l’état : les électeurs qui se réclament d’un parti votent en faveur des délégués du candidat qu’ils souhaitent voir inverti.

  • C’est une procédure démocratique, mais financièrement coûteuse et physiquement éprouvante

La désignation du candidat

  • La Convention nationale du Parti, dans une ambiance de grande kermesse, investit les candidats officiels du parti, le « ticket » : président et vice-président
  • Elle définit la plate-forme électorale.

La campagne électorale,

  • Officiellement ouverte le premier lundi de septembre
  • Oppose les deux candidats qui s’efforcent de convaincre l’électorat

L’Election

  • Suffrage universel indirect au scrutin uninominal majoritaire à un seul tour, le premier mardi qui suit le premier lundi de novembre
  • Dans un premier temps, le candidat qui recueille le plus de suffrages à la majorité relative fait passer toute sa liste de grands électeurs, chaque état disposant d’autant de grands électeurs qu’il compte de sénateurs et de représentants ; dès ce jour le nom du président est connu.
  • Dans un second temps, le premier lundi qui suit le second mardi de décembre, le collège des grands électeurs se réunit et élit le président

Entrée en fonction

  • Proclamation des résultats début janvier de l’année suivante
  • Prise de fonction le 20 janvier

3. « La présidence impériale »

Initialement le Président n’était pas le personnage central qu’il est devenu au long de l’histoire, notamment au XIXème siècle.

C’est avec W. Wilson puis surtout F.D. Roosevelt que le chef de l’exécutif a affirmé sa suprématie politique, mais c’est au lendemain de la guerre qu’on peut parler vraiment de présidence impériale, de Truman à Nixon. Le scandale du Watergate décrédibilise la fonction suprême et l’affaiblit mais elle retrouve progressivement son lustre et son autorité au fil des mandats ultérieurs à partir de Reagan.

b) Le pouvoir législatif : la pratique du bicamérisme

• Le Congrès est constitué de deux chambres indissolubles

• Le Congrès dispose du droit de déclarer la guerre

1. le Sénat

• Il représente les états, à raison de deux sénateurs par état.

• Mandat de 6 ans et renouvellement par tiers tous les deux ans

• Conditions d’éligibilité requises

  • Citoyenneté US depuis 9 ans
  • 35 ans minimum
  • Résidence dans l’état

• Prérogatives

  • Légiférer en collaboration avec les représentants
  • Des pouvoirs plus particuliers

En politique extérieure, le Sénat ratifie seul les traités à la majorité des 2/3

En politique intérieure, il confirme seul les nominations présidentielles

2. La chambre des représentants

• 435 sièges répartis proportionnellement à la population

• Mandat de deux ans (élection en même temps que le président puis à mi-mandat présidentiel) : le Congrès est donc renouvelé tous les deux ans

• Conditions d’éligibilité requises

  • Citoyenneté US depuis 7 ans
  • 25 ans minimum
  • Résidence dans l’état

• Prérogatives

  • Légiférer en collaboration avec le Sénat
  • Prérogative particulière : initiative en matière budgétaire

c) Le pouvoir judiciaire est confié à la Cour Suprême

• 9 juges inamovibles prenant les décisions à la majorité

• Prérogatives :

  • Juger des différents entre deux états, entre un état et l’Union, entre un citoyen et l’Union
  • Juger de la constitutionnalité des lois

Conclusion partielle

La séparation des pouvoirs est donc très stricte et aucun pouvoir ne peut donc en contraindre un autre au départ ou à la démission, même si leurs convictions politiques sont opposées : les différentes pouvoirs sont donc contraints de coopérer et tout risque de despotisme est écarté.

3°) Le fonctionnement de la vie politique : pouvoirs, contre-pouvoirs et limites

a) Le bipartisme

• Très grande importance des fonctions électives aux EUA, plus de 500 000 entre les échelons fédéral et locaux.

• Les partis sont donc avant tout de grandes machines électorales du fait de la lourdeur et de la complexité du système électoral et ce sont des coalitions électorales très hétérogènes

1. Les Républicains

  • Symbole : l’éléphant
  • Parti des WASP, influent sur les classes moyennes aisées des banlieues, les industriels et autres entrepreneurs, très lié aux milieux d’affaires
  • Favorable à une moindre intervention de l’état avec une orientation très libérale
  • Symbole : l’âne
  • Aile conservatrice constituée par les électeurs du Sud
  • Aile gauche dominante s’appuyant davantage sur les syndicats, les minorités du NE et de l’Ouest

2. Les Démocrates

b) Les contre-pouvoirs

1.  La presse et les media : le 4ème pouvoir.

• Grande liberté de la presse aux EUA (cf. scandale du Watergate)

• Rôle envahissant des medias, avec l’inconvénient de favoriser les medias au profil « télégénique »

• Rôle considérable de l’argent (les candidats peuvent mener des campagnes publicitaires !)

2. Les lobbies

• Un lobby est un groupe d’intérêt et de pression organisé et structuré dont la mission officielle ou officieuse  est d’influer sur les membres du législatif ou de l’exécutif dans un sens qui lui est favorable

• Les grandes sociétés comme les syndicats ont ainsi leurs représentants au Congrès

• Exemples : lobby pétrolier, militaro-industriel, automobile ….

c) Le Maccarthysme : un dérapage de la démocratie américaine

La vague d’intolérance et d’excès du maccarthisme du début des années 50, véritable chasse aux sorcières contre les communistes et même l’aile gauche des démocrates… dans une sorte d’hystérie et de frénésie paranoïaques, est une entorse à la tradition démocratique américaine et elle témoigne aussi de ses limites.

1. Les origines du Maccarthysme

• L’anticommunisme suscité par le contexte international et la spectaculaire progression communiste dans le monde (Europe de l’Est, Chine, guerre de Corée)

• La peur de l’infiltration communiste aux EUA même

• Les antécédents

  • Création en 1946 d’une « commission d’enquête sur la loyauté » qui vise les fonctionnaires et entraîne 2000 démissions et 200 révocations.
  • 1950 : veto de Truman à la loi MacCarran qui oblige les communistes à se faire enregistrer au ministère de la justice avec incapacité à exercer un emploi public, mais le veto est écarté à une large majorité.
  • 1952 : la loi MacCarran-Walter, qui interdit l’entrée sur le territoire américain à toute personne adhérente ou sympathisante du communisme passe dans les mêmes conditions malgré le veto présidentiel.

Le président Truman cherche donc à contenir un mouvement qu’il a contribué à lancer et lutte contre les mesures outrancières qui ternissent l’image de l’Amérique

2. « La chasse aux sorcières »

2.1. Une atmosphère de « chasse aux rouges »

  • Tout « libéral », tout « new dealer » peut cacher un communiste !
  • Hystérie collective, véritable inquisition
  • Climat de suspicion, de délation
  • Le sénateur Mac Carthy s’attaque au pouvoir et l’insulte : le département d’état, le président lui-même sont touchés. Dès 1951 la popularité du sénateur est à son comble
  • Point de départ : l’affaire Alger Hiss

2.2. Etapes et Bilan

Ancien collaborateur de Roosevelt à Yalta convaincu d’avoir transmis des documents secrets à l’URSS

Condamné à 5 ans de prison

  • Les temps forts :

L’affaire des époux Rosenberg

±  Début 1950 un espion anglais avoue avoir transmis des secrets atomiques à l’URSS
±  Les complices qu’il dit avoir aux EUA, les Rosenberg sont arrêtés, jugés, condamnés à mort et  exécutés en juin 53 malgré une campagne internationale

Les milieux intellectuels et artistiques sont aussi touchés, Hollywood notamment :

±  Charlie Chaplin, Joseph Losey, Jules Dassin quittent les EUA
±  Pour les autres, moins illustres, c’est le chômage…

L’administration est particulièrement touchée
±  Fonctionnaires surveillés
±  Démissions en chaîne
±  Des milliers de révocations : 7000 entre mai 53 et octobre 54

2.3. La fin du Maccarthysme

  • Erreur fatale : Mac Carthy s’en prend à l’armée et le nouveau président, Eisenhower, donne l’ordre au Pentagone de contre-attaquer
  • Le Sénat nomme une commission d’enquête sur le personnage qui aurait exercé des pressions pour favoriser un de ses protégés
  • Les auditions sont retransmises à la télé et le sénateur perd toute son influence
  • En décembre 54, le Sénat  blâme Mac Carthy, qui tombe ensuite dans l’anonymat, l’alcoolisme pour mourir en l957, déjà oublié.

Produit les media (presse) il est tombé par les media (TV)

Le maccarthysme est assurément une entorse à la démocratie, mais il révèle aussi la capacité de la démocratie américaine à surmonter ses propres dérives.

Conclusion partielle

Un système dont les Américains sont fiers

Un système où l’argent intervient de plus en plus, avec des effets évidemment pervers

Un système dont les citoyens sont paradoxalement assez distants au vu des taux d’abstention généralement très élevés 

B. UN MODELE ECONOMIQUE FONDE SUR LE CAPITALISME LIBERAL

• La terre d’élection du capitalisme

1°) Les fondements du système capitaliste

a) La propriété privée des moyens de production et d’échanges

• Un droit sacré

• Pas d’entreprises nationalisées : l’état n’a pas vocation à produire ou a assurer des services marchands ; cela ne relève que de l’initiative privée.

b) La libre entreprise

• La liberté d’entreprendre est considérée comme une liberté fondamentale

• Chacun a le droit de créer une entreprise, de produire ce qu’il veut, où il veut, comme il veut, dans les conditions qu’il définit

• L’esprit d’initiative est considéré comme une vertu et la recherche du profit constitue le moteur de l’activité économique

• La réussite individuelle passe par la réussite dans les affaires

c) La libre concurrence

• Règle fondamentale de l’économie de marché et confiance dans la valeur régulatrice du marché

• Une nécessité absolue pour garantir la liberté d’entreprise en évitant que la concentration capitaliste n’aboutisse à des situations de monopole

2°) Le rôle de l’Etat n’est pas pour autant négligeable

Ü Les Américains, très attachés à la liberté éprouvent une certaine suspicion envers l’action publique, d’où d’ailleurs le succès et l’efficacité des fondations privées qu’ils préfèrent.

Ü Toutefois, en dehors des attributions régaliennes du domaine strictement politique, l’état est tout de même un acteur important de la vie économique.

a) Une fonction d’organisation avec plusieurs leviers d’intervention

• La banque fédérale de réserve définit la politique monétaire et les taux d’intérêt

• Le budget de l’état et les priorités qu’il définit

• La législation sur la protection du marché intérieur, avec une tendance traditionnellement protectionniste

• La législation sur les entreprises, avec les lois anti-trust adoptées avant 1914 pour éviter une dérive monopolistique

b) Un rôle de soutien de l’activité économique par

• Les commandes de l’état, client de première importance, notamment dans le domaine militaro-industriel

• L’intervention dans le domaine de la Recherche –Développement dont l’importance est capitale, notamment par l’intermédiaire du financement

c) Une fonction de redistribution sociale : « l’Etat Providence »

• Le « Welfare State » s’est mis en place à partir de 1933 avec le New Deal de Roosevelt, avec différents programmes d’aides aux chômeurs et aux personnes âgées

• Dès le lendemain de la guerre Truman s’efforce de mettre en œuvre la politique du Fair Deal[1], mais il se heurte à l’opposition du Congrès

• C’est avec le Président Johnson que l’Etat-Providence se mettra véritablement en place dans les années 60, avant d’être en partie démantelé sous Reagan et ses différents successeurs à partir des années 80

3°) La supériorité économique écrasante des EUA en 1945 illustre leur réussite

• Les 2/3 de la production industrielle mondiale

• Les ¾ du stock d’or mondial

• La maîtrise technologique : l’innovation bouleverse tous les secteurs d’activité et les EUA sont en pointe dans tous les domaines

• De grandes sociétés qui vont partir à la conquête du monde

C.  Un modèle de société

Ü Une société très marquée par les valeurs du puritanisme des premiers immigrants, avec un rapport à l’argent dépourvu de tout complexe et une valeur fondamentale, le travail.

1°) L’ « American way of life » et le « rêve américain »

• Une société où chacun peut réussir, où les riches offrent le modèle de la réussite sociale, ou l’entrepreneur a une image très positive dans l’opinion

• Une société d’abondance,

  • une société de consommation de masse, stimulée par le plein emploi, un niveau moyen se salaires élevé, les facilités du crédit, très répandu et accessible, les techniques nouvelles de la publicité ;
  • une société qui accède à la civilisation des loisirs : suprématie d’Hollywood et du « star system » en matière de cinéma,  influence croissante de la télévision, apparition des parcs d’attraction, Disneyland en Californie, Disneyworld en Floride, développement du tourisme.

• Une société de classes moyennes,

  • avec un  niveau de vie aisé qui s’élève régulièrement
  • avec un mode de vie spécifique, citadin (plutôt suburbain du fait de la résidence en banlieue), confortable au plan matériel (maison individuelle, automobile, électroménager) même s’il est en quelque sorte standardisé,
  • avec un accès facilité à l’éducation

• Une société vivante et créative où la culture n’est pas réservée à une élite

  • Des noms célèbres illustrent la réussite dans le domaine culturel :

Hemingway et Steinbeck obtiennent le prix Nobel de littérature  respectivement en 1954 et en 1962.

Le peintre Jackson Pollock illustre l’expressionnisme abstrait, Andy Warhol le Pop Art.

La musique n’est pas en reste : jazz, gospel, blues, rock’n roll

  • La démocratisation de la culture

De grands musées exposent des collections privées ou publiques : National Gallery de Washington, Metropolitan museum de New York.

Le livre de poche démocratise la lecture des œuvres littéraires

Conclusion partielle

L’image d’un El dorado, d’une terre promise, dont le mythe est entretenu par les discours des hommes politiques et d’une manière plus convaincante encore par la télévision, le cinéma, et plus particulièrement Hollywood, véritable usine à rêves

2°) Les limites du « rêve américain »

a) La ségrégation raciale, institutionnalisée

• Une législation ségrégationniste jusqu’au milieu des années 60 : l’abolition de l’esclavage le  18 décembre 1865 (13ème amendement) donne la liberté aux noirs mais pas l’égalité civile  et encore moins l’égalité politique. Les EUA sont toujours un  état ségrégationniste.

1. Les Indiens,

• Massacrés par les guerres indiennes à la fin du XIXème siècle, victimes d’un véritable génocide

• Parqués dans des réserves pour la plupart d’entre eux

2. Les Noirs, cible de la discrimination

• Particulièrement violente dans le Sud où dans tous les domaines de la vie les noirs sont mis en situation d’infériorité et strictement séparés des blancs (hôpitaux, écoles, bâtiments publics, transports, lieux publics comme des jardins ou des bars…)

• Dans le Nord et l’Ouest, c’est davantage une ségrégation de fait : la ségrégation sociale se calque sur la couleur de la peau. Le ghetto urbain est une invention du Nord…

b) Le fléau de la pauvreté

• Elle concerne 30 à 35 millions d’Américains, exclus de la société de consommation, avec des conditions particulièrement précaires et dures

  • Elle touche plus particulièrement les minorités (noirs, indiens, hispaniques) mais aussi les personnes âgées
  • Elle affecte davantage les régions en difficulté (Appalaches, industries en reconversion, petits métayers du sud) et surtout les centres urbains, avec une véritable crise urbaine dans les années 60.

• Une prise de conscience au début des années 60 (livre de Galbraith « l’ère de l’opulence ») qui engendrera la mise en place progressive de l’Etat providence

3°) Une société capable de partir à la conquête de nouveaux horizons

• Un pays jeune nourri de l’esprit pionnier, avec le goût du risque ou de l’aventure que cela suppose

• Un mythe de la frontière qui est toujours présent et qui s’applique à de nouveaux domaines :

a) Kennedy autour du thème de la « Nouvelle frontière »

µ Voir document 3 page 71 : texte de Kennedy du 15 juillet 60 (Nathan-Le Quintrec)

• « La nouvelle frontière dont je vous parle  n’est pas faite d’un ensemble de promesses mais de défis. Elle ne résume pas ce que j’ai l’intention d’offrir au peuple américain, mais ce que j’ai l’intention de lui demander »

• Il s’agit de relever de nouveaux défis, d’aller plus loin encore, au-delà de ce qui est acquis, dans différentes domaines

Technologique : conquête de l’espace

±  Programme Apollo pour redonner aux EUA la première place dans la course à l’espace

±  « Je crois que notre nation doit s’engager avant la fin de la décennie à poser un homme sur la lune et à le ramener sain et sauf sur la terre » Kennedy 21 mai 61

Politique : lutte contre la pauvreté et l’ignorance

Diplomatique : construire la paix

 b) Johnson autour du thème de la « Grande Société »

1. Mise en place de l’Etat-Providence

• Amélioration de la protection sociale (assistance sociale) avec le « Medicare » pour les personnes âgées et le « Medicaid » pour les plus pauvres

2. Lutte contre la ségrégation raciale,

• Législation qui achève la politique de déségrégation déjà entamée sous Eisenhower

  • « Civil Rights Act » en 64
  • « Voting Rights » en 65

Politique de discrimination positive (quotas d’embauche) dite « affirmative action » (bourses d’étude, emplois administratifs, enseignement supérieur,… et jusque dans le cinéma)

II. DU TEMPS DES CERTITUDES AU TEMPS DES DOUTES ET DES REMISES EN QUESTION : LE MODELE FRAGILISE (1950-1979)

Le modèle américain est à son apogée dans les années 50 et jusqu’à la présidence de Kennedy : c’est le temps des certitudes.

  • Une puissance économique, financière et monétaire sans égale dans le monde
  • Une puissance militaire et diplomatique de premier plan :

Les EUA assument désormais leur premier rang mondial en rompant avec l’isolationnisme pour devenir interventionnistes

Les EUA sont à la tête du monde libre, dont ils permettent le redressement et dont ils assurent largement la protection.

  • Une réussite presque insolente à l’intérieur avec une solide croissance démographique, le début des trente glorieuses et la consommation de masse.
  • Des produits et des valeurs qui s’imposent comme des symboles de modernité : Coca-cola, hamburgers, blue jean, rock’n roll

Mais le modèle est ébranlé dans les années 60 et 70 ; c’est le temps du doute et des interrogations : l’Amérique serait-elle sur le déclin ?

  • Les interrogations naissent dès la fin des années 50 avec la sensibilisation à des problèmes intérieurs qu’il est impossible de ne plus prendre en compte (problème noir, pauvreté)
  • Elles se multiplient et débouchent sur la contestation du modèle et sa remise en question dans les années 60 et 70 avec en parallèle un affaiblissement de la puissance
  • Pourtant, le rêve américain n’est pas franchement mis à mal comme en témoignent les chiffres de l’immigration après la libéralisation de 1965, et cela ne l’empêchera pas de se redresser dans les années 80 pour finalement l’emporter sur son rival soviétique et retrouver ainsi la suprématie mondiale dans les années 90.

A. LA MONTEE EN PUISSANCE DE LA CONTESTATION

La multiplication des mouvements de contestation traduit l’ébullition des années 60.

Le modèle américain est contesté de l’intérieur  par cette contre-culture  tandis qu’à l’extérieur, c’est surtout l’impérialisme américain qui est dénoncé avec une focalisation sur la guerre du VietNam.

1°) Les jeunes

La contre-culture rejette toutes les contraintes et s’affirme comme un autre mode de vie, chacun ayant le droit de  satisfaire ses besoins instinctifs

a) Années 50 : Les beatniks et la « beat generation »

• Que signifie ce terme ?

  • « beat » = rythme (terme argotique des jazzmen noirs)
  • « to beat it » = se barrer

• Les beatniks sont des jeunes qui aiment la musique rythmée et manifestent par leurs vêtements et leurs comportements une volonté de rupture avec la société en vivant en marge de celle-ci.

• Anticonformisme, individualisme amer, goût pour la marijuana

b) Années 60, la révolte de la génération d’après guerre

• Elle est issue du baby-boom ; elle n’a connu que la paix et la prospérité

1. La contestation universitaire

  • Université de Berkeley : point de départ en 1964, puis extension aux autres campus
  • Forte agitation estudiantine avec manifestations, marches, « sit-in »
  • Axes fondamentaux de la contestation :

Soutien à la lutte contre la discrimination raciale

Condamnation de la guerre du VietNam

Contestation de la société et du mode de vie américain

2. Le mouvement Hippie

  • Refuge dans la marginalité
  • Rejet des normes admises et de tous comportements raisonnables (puritanisme, travail et rentabilité, réussite sociale et matérielle, société d’abondance)
  • Valeurs nouvelles :

Epanouissement individuel,

Satisfaction immédiate et quête du plaisir,

Retour à la nature,

Pacifisme et non-violence, « Peace and Love », « Make Love not War »

Un mode de vie spécifique : non conformisme vestimentaire (cheveux longs, vestes à franges de style oriental…), vie communautaire, libération sexuelle, fuite dans la drogue,

3. Le renouveau culturel

• « Living theater » et « happenings » (expression corporelle, improvisation avec participation des spectateurs),  pop art, protest song ( Bob Dylan, Joan Baez))

• Point culminant : Festival de WOODSTOCK en 1969

2°) Les femmes

a) Le « Women’s lib » :

• 1963 : publication de l’ouvrage de Betty Friedan « La femme mystifiée »

• Développement de divers mouvements féministes luttant contre le sexisme et prônant l’égalité des sexes

b) Des résultats variables

• Succès des campagnes pour la régulation des naissances et la libéralisation de l’avortement

• 27ème amendement « Equal Rights Amendment » en 1972 : égalité des doits sous réserve de la ratification par les ¾ des Etats… ce qui n’est toujours pas le cas à l’heure actuelle…(Un autre 27ème amendement a été adopté depuis)

3°) Les noirs

a) Essor  du mouvement revendicatif de la minorité noire dans les  années 60

• Une forme pacifique et non-violente, derrière MARTIN LUTHER KING, prix Nobel de la Paix en l964, assassiné en l968.

• Une autre forme plus radicale et violente, révolutionnaire, avec refus de l’intégration

  • « Black Power », »Black Panthers », James Meredith (leader des Black Muslims) ; Angela Davis …
  • J.O. de Mexico en l968 : athlètes noirs Américains sur le podium, tête baissée et poing levé pendant l’hymne américain, en mondovision…
  • 34 morts
  • 1032 blessés
  • 977 bâtiments détruits ou endommagés
  • 4000 personnes interpellées
  • Emeutes des quartiers noirs des grandes villes pendant les étés chauds de 1966-67 où se développe une véritable guérilla urbaine (207 émeutes au total)
  • Répression très violente et même sanglante : 130 morts en l967
  • En 1968, immenses manifestations après l’assassinat de martin Luther King le 4 avril 1968 : une centaine de villes concernées

b) La crise urbaine et les émeutes de la fin des années 60

1. Premières émeutes à Watts, quartier noir de Los Angeles en 1965, cinq jours durant :

2. Le mouvement fait tâche d’huile

Conclusion partielle :

A la fin des années 60 le tissus social est déchiré. L’Amérique profonde assiste abasourdie à cette dislocation et l’image de marque des Etats-Unis dans le monde s’en trouve considérablement ternie.

B. LA CRISE DES ANNEES 1970 : L’AMERIQUE EN DECLIN ?

1°) Les difficultés économiques et la crise du dollar

a) La stagflation

• Croissance économique très réduite dans les années 70 :

  • Trois récessions (70-71, 74-75, 80-81)  avec stagnation intermédiaire
  • Compétitivité entamée et concurrence accrue (Japon-Europe)

• Inflation accélérée en parallèle, à deux chiffres parfois

b) L’ Endettement généralisé :

• Des ménages,

• Des sociétés commerciales,

• De l’état : d’importants déficits budgétaires cumulés tels que dette publique avoisine les 1000 milliards $ en 1980

• Du pays :

  • Déficit commercial en 1971 pour la première fois depuis 1893, épisodique, puis régulier depuis 1977.
  • Dès lors déficit régulier de la balance des paiements :

Conclusion partielle

L’Amérique vit au-dessus de ses moyens et pompe sur le reste du monde développé les ressources financières qui lui sont nécessaires pour maintenir ce train de vie …

c) La crise du $

• Crise liée aux déséquilibres financiers US et à l’inflation qui s’est installée

• Deux étapes cruciales

  • 1971 : suspension de la libre convertibilité du dollar en or, puis dévaluation de 8%, insuffisante
  • 1973  : dévaluation de 10 % en février puis abandon de l’étalon or et de la parité fixe en mars: le  $ devient flottant,

Il flotte à la baisse pour atteindre un premier plancher de 1 $ = 3,85 Fr en 1973,

Second plancher fin 1978 : 1 $ = 3,98 Fr

• Cette crise du $ participe largement à la crise du SMI et contribue au déclenchement du premier choc pétrolier vue la position dominante de la monnaie et de l’économie américaine.

• Elle choque profondément les Américains, très attachés à la suprématie du billet vert

2°) Le scandale du Watergate, psychodrame national

a) Les faits

1.  Un fait divers à l’origine

  • Cambriolage du siège du Comité National Démocrate dans l’immeuble du Watergate à Washington par 5 « plombiers », en fait d’ex-agents secrets, pris en flagrant délit en juin 1972 au début de campagne électorale qui aboutira à la réélection de Richard Nixon à l’automne
  • Rôle important de deux journalistes du Washington Post , Berstein et Woodward,

qui enquêtent en faisant véritablement du journalisme d’investigation

qui sont à l’origine d’une véritable campagne d’opinion ainsi lancée par voie de presse

2. Une affaire politique nationale

  • Une enquête officielle met ensuite en évidence des relations entre les cambrioleurs et des proches du Président Nixon, lequel décide de les couvrir.
  • Une commission d’enquête sénatoriale commence ses travaux pendant l’été 73, avec des délibérations télévisées que les Américains suivent avec passion et stupeur ; les révélations se succèdent :

Le Président enregistre toutes les conversations et les communications téléphoniques dans son bureau.

Les écoutes téléphoniques par la Maison Blanche sont une pratique systématiquement utilisée non seulement à des fins de renseignement mais pour exercer des pressions diverses

  • Non sans difficultés, les sénateurs parviennent à obtenir communication des bandes : c’est  la révélation de la complicité du président dans l’affaire et de ses tentatives pour l’étouffer
  • S’ajoute une fraude fiscale de Nixon de quelques 450 000 $…
  • Le Congrès décide de lancer une procédure d’impeachment (destitution) fin 1973 pour trois motifs :

3. La procédure d’impeachment et la démission de Nixon

Abus de pouvoir

Obstruction à la justice

Outrage au Congrès

  • Plutôt que d’être le premier Président des USA destitué et sous la  pression des républicains, le Président démissionne le 9 août1974, non sans avoir préparé sa succession…

Le vice Président Spiro Agnew avait dû démissionner lui aussi à cause d’ennuis avec la justice…

Le nouveau vice président, nommé à cette fonction (et non élu) est Gerald Ford qui devient président

±  Il accorde immédiatement un « pardon » donc une immunité totale à  Nixon (le bruit circule ensuite que c’est là la conséquence d’une promesse arrachée par Nixon  en contrepartie de la vice-présidence…)

±  Faible crédibilité de ce président qui ne sera pas élu en 1976 (Il aura donc été le seul président des EUA à n’avoir pas été élu, ni réélu à fortiori…)

b) La portée de l’évènement

1. Le système politique américain est remis en question

  • Les Américains, jusqu’alors persuadés que leur système politique étaient le meilleur au monde, s’interrogent : Comment de tels excès ont-ils pu être possibles ?
  • Le doute est jeté sur l’excellence du système américain, car à travers la Présidence, clef de voûte des institutions américaines, c’est l’ensemble de celles-ci qui sont remises en question !
  • L’image de la présidence est sérieusement ébranlée et au-delà c’est la fonction présidentielle qui est affectée : c’est la fin de la présidence impériale
  • Rééquilibrage du pouvoir au profit du Congrès qui veut désormais éviter tout retour à un pouvoir trop personnel
  • Profond besoin de moralisation et de purification de la vie politique d’où l’élection de Jimmy Carter en 1976, dont la probité et la moralité sont vraiment au-dessus de tout soupçon
  • Après plus de 6 années de guerre et malgré l’ampleur des moyens mis en œuvre pour l’emporter, c’est l’échec :
  • Les EUA doivent se résoudre à signer les accords de Paris en janvier 73 qui mettent fin à la guerre :

2. La fonction présidentielle est affaiblie

3°) Les échecs exterieurs des Etats-Unis

a) La défaite du Vietnam

1. La fin de la guerre du Vietnam (1964-1973)

Repli des Nord-Vietnamiens au Nord

Retrait des troupes américaines

Découpage provisoire du Sud Vietnam entre le GRP (gouvernement révolutionnaire provisoire issu du FNL) et le régime de Saigon

  • Le Vietnam est en fait abandonné à lui-même et bientôt aux communistes…
  • Une guerre terrible qui a provoqué des pertes sévères (45000 américains, un million de Vietnamiens) et la première défaite militaire de l’histoire des Etats-Unis : c’est un énorme traumatisme pour l’Amérique
  • Le Vietnam tombe aux mains des communistes en Avril 1975 avec la prise de Saigon : le Vietnam est réunifié sous l’autorité de Hanoi et des communistes. Le personnel de l’ambassade américaine de Saigon, cernée par les troupes communistes, doit être héliporté en catastrophe : c’est l’humiliation !
  • Le Cambodge tombe aux mains de Khmers rouges, communistes prochinois, en avril 1975 avec la chute de la capitale Pnom-Penh
  • Le Laos passe sous le contrôle du Pathet-Lao (communistes laotiens) puis sous le contrôle du Vietnam en 1977 (protectorat vietnamien)
  • L’Indochine est totalement sous contrôle communiste…

2. En 1975, deux ans plus tard, l’échec est encore plus cuisant

b) L’affaire des otages de l’ambassade de Téhéran

• Effondrement de la dynastie des Pahlevi en Iran, soutenue par les Etats-Unis, avec la révolution islamiste de l’ayatollah Khomeiny en 1979

• Sous l’autorité du nouveau maître de l’Iran, 400 « étudiants islamistes » prennent en otage le personnel de l’ambassade américaine de Téhéran (53 prisonniers pendant 444 jours)

  • C’est une violation des lois les plus élémentaires de la diplomatie internationale
  • C’est aussi un défi lancé aux EUA, le « Grand Satan » selon les islamistes
  • Dans l’opinion américaine, l’émotion est immense

• L’impuissance américaine

  • Une opération commando pour la libération des otages échoue lamentablement en avril 80
  • Il faut attendre le bon vouloir de Khomeiny pour que les otages soient libérés, le jour de la prise de fonction du président Reagan…

Conclusion

A l’aube des années 80 la puissance des Etats-Unis est donc sérieusement remise en question, de même que leur capacité à assurer la défense du monde libre. La capacité de séduction du modèle américain est par ailleurs sérieusement altérée. Certains s’en réjouissent, d’autres s’en inquiètent, à commencer par une large partie de l’opinion américaine qui va réagir en  portant au pouvoir le président Reagan au début des années 80.

Le slogan est alors « America is back » et les Etats-Unis vont effectivement revenir au premier plan et même à une suprématie sans partage après l’effondrement du communisme.

Le modèle américain est donc toujours vivant, même s’il est toujours contesté.


[1] Fair Deal : donne équitable

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