La Cinquième République après De Gaulle de 1969 à 1995

Les institutions de la Vème république survivent au départ du général De Gaulle et autorisent  une réelle souplesse de fonctionnement au gré des changements de situation politique : l’alternance est possible (1981, 1995), la cohabitation de la majorité et de l’opposition aussi (1986-88, 1993-95, 1997-99). Le rôle du président reste extrêmement important, quel que soit celui-ci, mais surtout lorsqu’il peut s’appuyer sur une majorité parlementaire stable et cohérente

La Cinquième république vit ses dernières années de prospérité avec le mandat écourté de Georges Pompidou, et rentre dans la crise sous celui du Pt Giscard d’Estaing. Le gaullisme, qui a perdu l’Elysée en 1974 et Matignon en 1974 se transforme sous l’autorité de Jacques Chirac mais doit attendre 1995 pour succéder à François Mitterand, élu par deux fois à la magistrature suprême en 1981 et 1988.

I. LA CONTINUITE NEO-GAULLISTE DE G.POMPIDOU (1969-74 ) : ENTRE L’ORDRE ET LA REFORME.

A. POMPIDOU, HERITIER DU GAULLISME

1°) Les élections présidentielles de 1969

a) Le dauphin du général

• Secrétaire général du cabinet du président De Gaulle

•  Premier ministre de 62 à 68

• Une stature de chef d’état acquise auprès de l’U.D.R. et de l’opinion du fait de son attitude en mai-juin 1968 où il apparaît comme le sauveur du régime, comme un recours aussi en cas de départ du général De Gaulle

•  Ecarté du pouvoir par De Gaulle en juin 1968

• Fait acte de candidature à la succession du  chef de l’état dès janvier 69 à Rome

• A la démission du Général de Gaulle il obtient

  • l’appui de l’U.D.R.
  • le soutien de VGE et de ses RI
  • le soutien d’une partie du centre regroupé dans le C.D.P.[1] de J. Duhamel (ce qui constitue une modeste ouverture…)

G. Pompidou se veut le candidat de « l’ouverture dans la continuité ». La continuité est évidente et l’ouverture modeste.

b) La victoire électorale

1. Le premier tour
  • Pompidou arrive en tête avec 43.9 % des voix
  • Poher, Président du Sénat et de ce fait Président de la république par intérim, qui s’est présenté tardivement, obtient 23.4 % des voix, créant ainsi la surprise.
  • La gauche, totalement divisée, est battue et éliminée du deuxième tour

Jacques Duclos, candidat du P.C.F. (21.5 % des suffrages)

Gaston Deferre, candidat de la S.F.I.O. ( 5 % des suffrages : un échec total)

Michel Rocard, candidat du P.S.U[2]. (3.6 % des suffrages)

2. Le second tour
  • Pompidou distance Poher, et est élu avec 57.5 % des suffrages exprimés.
  • Les abstentions dépassent cependant 31 % des électeurs inscrits, taux considérable, le P.C.F. n’ayant pas voulu choisir entre les deux candidats «  blanc bonnet et bonnet blanc » et ayant appelé à l’abstention ).
  • indépendance nationale
  • équilibre E-W  et détente
  • politique pro-arabe
  • coopération avec l’Afrique noire
  • la France accepte l’entrée de la Grande-Bretagne, de l’Irlande et du Danemark dans la C.E.E.
  • un référendum, en avril 72 fait ratifier ce choix, mais constitue un échec relatif  (2/3 de OUI mais 40 % d’abstentions)

2°) Pompidou poursuit l’œuvre gaulliste avec quelques nuances.

a) Politique extérieure : ligne gaulliste maintenue et ouverture européenne

1. Continuité :
2. Ouverture : plus de souplesse en politique européenne

b) Modernisation et l’expansion de l’économie

Pompidou est plus préoccupé d’industrialisation et d’efficacité économique que de grandeur.

1. Un contexte dans l’ensemble favorable
  • dernières années de croissance des trente glorieuses entre 1969 et 1973
  • nuances

le franc, affaibli en 1968, est dévalué par Pompidou en 1969

une légère inflation

2. La France continue sa transformation et devient un pays industriel
  • Gros investissements dans

la sidérurgie

le raffinage pétrolier

les transports ( autoroutes notamment )

le tourisme

  • Essor spectaculaire du secteur immobilier

rénovation des centres-villes ( spéculation et gros scandales politico-financiers)

développement de la construction de bureaux dans Paris et au nouveau centre d’affaires international de la Défense.

  • Encouragements divers

à l’investissement (avantages fiscaux pour l’acquisition d’obligations et d’actions)

à la concentration financière : fusions d’entreprises

aux industries modernes, qui sont favorisées

Informatique ( Plan Calcul )

Aéronautique

Espace

  • Lancement d’un grand programme de construction de centrales nucléaires lorsque survient le premier choc pétrolier

c) Politique intérieure : l’exercice du pouvoir reste très personnel

• Le gouvernement lui-même est relégué au second plan et c’est le Président et ses conseillers (Marie-France Garaud et Pierre Juillet) qui inspirent les décisions et qui décident

Jacques Chaban-Delmas, premier ministre de G. Pompidou ne peut pas réaliser les réformes qu’il souhaite et doit s’effacer derrière le président en démissionnant alors qu’il vient quelques jours auparavant d’obtenir la confiance de l’assemblée (juillet 1972)

Pierre Messmer, qui lui succède, est en fait un gaulliste discipliné, homme d’ordre et de hiérarchie, qui laisse gouverner l’Elysée (ancien ministre des armées du général De Gaulle)

B. LA PHASE REFORMATRICE DU GOUVERNEMENT CHABAN-DELMAS : 1969-72

1°) Un contexte d’agitation sociale sporadique, séquelle de Mai 1968

a) La contestation subsiste et s’exprime au travers de minorités diverses

• Le gauchisme, dénoncé par les communistes, divisé en une foule de tendances rivales trotskistes et maoïstes, réprimé par le pouvoir en place, perd de plus en plus de son influence.

• La contestation reste vigoureuse mais est désormais éclatée et plus ciblée, plus spécialisée :

  • féministes ( M.L.F.[3] )
  • prisonniers de droit commun
  • homosexuels
  • prostituées
  • soldats
  • écologistes du mouvement antinucléaire
  • régionalistes corses, bretons, occitans
  • grèves avec occupation de locaux
  • « grèves-bouchons » sur les chaînes ( cf. O.S. du Mans chez Renault en avril 71)
  • séquestration de cadres
  • LIP

b) L’agitation sociale persiste

1. Dans les usines

• faillite de l’entreprise du fait d’une mauvaise gestion du patron

• les ouvriers s’emparent de l’entreprise, décident de la faire fonctionner en autogestion. Echec cependant

2. Dans les classes moyennes
  • action des camionneurs, des commerçants
  • agitation diffuse
  • police omniprésente : contrôles et brimades
  • adoption de la « Loi anticasseurs » en 1970 : les organisations syndicales ou politiques qui appellent à une manifestation sont financièrement responsables des dégâts matériels éventuels susceptibles de survenir…
3. Dans les lycées et Universités

c) répression policière

2°) «  la Nouvelle Société » : Chaban-Delmas cherche à imposer la réforme

a) Une réelle volonté réformiste

• Relative autonomie accordée à l’O.R.T.F.[4]

• Adoption de la Réforme régionale de 1972, amorce de décentralisation.

• Dialogue social pour une plus juste répartition des fruits de la croissance

®   mise en place d’une « politique contractuelle » entre l’état, les syndicats et le patronat

  • « Contrats de progrès » négociés entre les entreprises et les syndicats et qui excluent en contrepartie le recours à la grève : les problèmes sont en fait traités avant que ne survienne le blocage.
  • Réforme du SMIG qui devient le SMIC[5], désormais indexé.
  • Développement de la Formation permanente qui constitue un droit nouveau
  • Mensualisation des salaires ouvriers
  • Nouveau régime de conventions collectives.

C’est au total un bilan tout à fait positif pour un gouvernement qui est pris entre une assemblée et un président conservateurs…

b) le départ de Chaban

1. La politique de Chaban est jugée trop libérale et trop réformiste
  • par le président Pompidou qui entend en outre que l’exécutif reste à l’Elysée
  • par une large fraction de l’U.D.R., très conservatrice
  • par M. Giscard d’Estaing, qui se refuse à la financer
  • multiplication des scandales financiers à partir de l’été 71
  • publication de la feuille d’impôts de Chaban par le Canard Enchaîné : Chaban ne paye pas d’impôts sur le revenu, sachant utiliser au mieux « l’avoir fiscal » …
  • Quelques jours auparavant il avait obtenu la confiance de l’assemblée, mais qu’importe puisqu’il n’a plus celle du président, lequel souhaite reprendre en mains le pouvoir en contrôlant plus directement l’action du gouvernement.
  • gaulliste historique dont  la loyauté et la discipline sont totales,
  • illustration de la volonté de Pompidou de diriger davantage le gouvernement.
  • Une politique conservatrice, au jour le jour, sans véritable grand projet
  • La télévision perd son autonomie et redevient « la voie de son maître »…
  • L’immobilisme est renforcé par la grave maladie du Pt Pompidou qui limite son activité, les décisions ayant donc tendance à traîner. La course à la succession est désormais ouverte…
  • Aux élections législatives de 1973, la majorité l’emporte et est reconduite, l’U.D.R. obtenant le plus grand nombre de sièges mais n’ayant plus la majorité absolue : l’appui des RI et du C.D.P. est désormais nécessaire.
2. Une certaine usure du pouvoir et la multiplication de scandales
3. Le 5 juillet Chaban démissionne, sous la pression de G. Pompidou

C. L’EBAUCHE D’UNE PHASE CONSERVATRICE : 1972-1974

1°) Le gouvernement Messmer

a) La nomination de Pierre Messmer

b) Les caractéristiques de la période sont simples :

En fait le principal événement politique concerne pendant cette période l’opposition de gauche, qui refait son unité et obtient une audience croissante.

2°) La reconstruction de l’Union de la Gauche

a) La naissance du parti socialiste moderne

1. L’état de la gauche après 1968

La gauche dispose de leaders comme F. Mitterand et PMF, d’idées renouvelées par les clubs, mais d’aucun parti organisé puissant : la vieille S.F.I.O. est à l’agonie.

2. Les étapes de la création du P.S.
2.1. La rupture avec la S.F.I.O.

En juillet 1969, disparition de la S.F.I.O. et fondation du PS qui fusionne avec divers clubs.

La direction du nouveau parti socialiste est assurée par Alain Savary( un proche de Mitterand)

2.2. Le congrès d’Epinay en 1971

Fusion du PS et de la Convention des Institutions Républicaines de F. Mitterand

F. Mitterand devient Premier Secrétaire du PS : c’est le véritable point de départ d’un nouveau PS tendu sur une stratégie très claire d’union de la gauche (c’est à dire avec le P.C.F.), et un moyen de conquête du pouvoir suprême pour F. Mitterand

b) «Le programme commun de la gauche » est signé en 1972.

• Unité de la gauche, qui redevient donc crédible, autour des trois partis suivants

PS, F. Mitterand

PCF, avec G. Marchais

MRG[6], avec Robert Fabre

• Programme très précis négocié pour la durée de la législature à venir (1973-78)

• Une dynamique porteuse

• Aux élections de 1973, la gauche est majoritaire en voix sur les deux tours mais elle est battue en sièges car le découpage électoral avantage la droite au pouvoir

c) Le 2 Avril 1974, le Président Pompidou décède

Les élections présidentielles qui vont suivre vont marquer un tournant dans l’histoire de la Vème république.

1974 sera la fin de 16 années de pouvoir sans partage du gaullisme, le début de la division de la droite, mais aussi la fin de trente années de croissance ininterrompue du fait de la crise survenue avec la guerre du Kippour et le premier choc pétrolier.

C’est une période qui s’achève…

II. LE SEPTENNAT DE VALERY GISCARD D’ESTAING (1974-1981) : L’EXPERIENCE LIBERALE FACE A LA CRISE

A. LES ELECTIONS DE 1974 ET LA NOUVELLE SITUATION POLITIQUE.

1°) Les présidentielles de 1974.

a) Le premier tour : gauche unie et droite divisée

1. La gauche unie
  • un candidat unique : François Mitterand
  • un programme politique inspiré du programme commun de la gauche
  • candidature de J. Chaban-Delmas qui obtient le soutien de l’U.D.R. sans pour autant faire l’unanimité
  • candidature de V. Giscard d’Estaing qui bénéficie
2. La droite divisée

de l’appel des 43 personnalités UDR à l’instigation de Jacques Chirac …

de l’appui du Centre Démocrate de jean  Lecanuet, ce qui représente une nouvelle ouverture

de bonnes prestations télévisées

du fait qu’il incarne à la fois la continuité ( ancien ministre du général De Gaulle et de Pompidou)  et le changement ( par rapport au gaullisme et à l’immobilisme des dernières années)

3. Les résultats
  • F. Mitterand           43.4 %
  • VGE                      33 %
  • Chaban           14.6 %, distancé…  Les gaullistes ont perdu la présidence qu’ils détenaient depuis 1958

b) Le second tour

• VGE l’emporte sur Mitterand de 300 000 voix : 50.7 % contre 49.3 %

• Il déclare que son élection marque « le début d’une ère nouvelle », prophétie hasardeuse dans la mesure

  • où la France apparaît coupée en deux
  • où la crise économique fait sentir ses premiers effets
  • où sa position politique est fragile, n’étant pas le chef du principal parti majoritaire dont il a besoin de l’appui à l’assemblée pour pouvoir gouverner.
  • récompense des services rendus…
  • moyen de neutraliser l’UDR, est censée se consoler de sa défaite avec l’Hôtel Matignon et quatre ministres UDR ( dont aucun dirigeant de premier plan… )
  • l’UDR cesse d’être dangereuse mais le président doit tout de même ménager son premier ministre …
  • J. Chirac se donne en même temps un excellent moyen d’ascension politique, laquelle est déjà fulgurante

2°) La nouvelle situation politique et ses incertitudes

a) L’ascension de Jacques Chirac

1. J. Chirac est nommé premier ministre
2. En Décembre 1974, J. Chirac prend le contrôle de l’UDR

b) La poussée de la gauche interdit au président la dissolution de l’assemblée

• Au contraire, la gauche poursuit ses progrès dans l’opinion et le P.S. développe son audience : législatives partielles, cantonales de 1976, municipales en 1977

• Dans de telles conditions, dissoudre l’assemblée, c’est courir le risque d’avoir une assemblée de gauche en opposition totale avec le président, et celui-ci ne peut dès lors que conserver l’assemblée élue en l973, même si la majorité qui le soutient est dominée par l’UDR…

La marge de manœuvre du président  Giscard d’Estaing est dont fort réduite, ce qui ne facilite pas sa tâche, d’autant que la dégradation de la situation économique et sociale n’arrange rien…

B. UN CONTEXTE DE CRISE ECONOMIQUE.

1°) La France entre brutalement dans la crise avec le premier choc pétrolier

a) La crise de 74-75

  • quadruplement du prix du pétrole brut
  • déficit extérieur et endettement croissant
  • diminution de l’activité économique : en 1975, la production industrielle diminue de 10 %
  • augmentation de l’inflation dépassant régulièrement les 10 % par an à partir de 1974
  •  liée au second choc pétrolier qui engendre une nouvelle récession en 1980

b) La rechute en 1980

2°) La stagflation s’installe

• Concomitance de la stagnation économique et de l’inflation,

• Inefficacité des schémas traditionnels de lutte contre la crise dont l’ampleur n’a par ailleurs pas été mesurée correctement.

a) L’inflation à deux chiffres

 

1973    8.1 %

1974  15.2 %

1975   11.7 %

1976    9.6 %

1977    9.6 %

1978  11.8 %

1979  13.4 %

1980  13.6 %

1981  14.1 %

b) La montée du chômage

1964 100 000 chômeurs

1974   400 000 chômeurs

1977 1 000 000 chômeurs

1981 2 000 000 chômeurs, soit 8.9 % de la population active

c) Des difficultés sociales préoccupantes

  • contraction du niveau de vie
  • apparition d’une nouvelle pauvreté
  • développement des inégalités sociales
  • une fraction de la jeunesse laissée pour compte
  • montée du mécontentement social

la situation économique est désormais au centre des préoccupations politiques

C. L’EXPERIENCE LIBERALE GISCARDIENNE

1°) La phase de transition : le gouvernement Chirac ( 1974-76 )

a) Une volonté de changement limitée dans les faits

1. Des gestes symboliques diversement appréciés.
  • remontée des Champs-Elysées à pied et en veston
  • photo officielle sur fond tricolore moins guindée qu’à l’habitude
  • changement de rythme de la marseillaise pour la rendre moins belliqueuse
  • dîners dans les familles
  • visite à des détenus
  • petit déjeuner avec les éboueurs du quartier de l’Elysée
  • une volonté de « décrispation » de la vie politique par opposition à la dramatisation gaulliste
2. Des réformes politiques et sociales importantes
2.1. Réformes de mœurs

Divorce par consentement mutuel

Les lois Weil :

– Loi de libéralisation de la contraception [oct. 74]

– Loi autorisant l’I.V.G. : interruption volontaire de grossesse [janv. 75]

– lois adoptées grâce à l’appui de la gauche)

2.2. Réformes politiques et administratives

Majorité à 18 ans

Saisine du conseil constitutionnel désormais possible pour l’opposition parlementaire

Réforme du statut de la Ville de Paris qui aura désormais un maire comme toutes les autres communes de France  [ Mai 75]

Démembrement de l’O.R.T.F. en plusieurs sociétés autonomes et concurrentes ( qui resteront cependant largement téléguidées de l’Elysée…) TF1, A2, FR3, SFP, TDF… [ Août 74]

Création d’un secrétariat à la condition féminine

2.3. réformes sociales

Généralisation de la Sécurité Sociale

Institution de la Taxe Professionnelle qui remplace la patente

Indemnisation du chômage : 90 % du salaire pendant un an

Mesures en faveur des handicapés

b) Des divergences accrues entre le Président et son premier ministre

1. Les divergences

 

le Président       Le Premier ministre 
volonté de décrispation  dramatisation de l’affrontement avec les « socialo-communistes
libéralisme économique  intervention de l’état
politique de défense de la monnaie  politique de relance par l’investissement quitte à accroître l’inflation
refus d’élections anticipées jugées trop dangereuses élections anticipées avant que ne grossisse la vague socialiste

 

2. La rupture

= Spectaculaire démission de J. Chirac en Août 1976, de lui-même :

 »  Je ne dispose pas des moyens que j’estime nécessaires pour assurer efficacement mes fonctions de premier ministre et dans ces conditions, j’ai décidé d’y mettre fin  »

Þ les gaullistes perdent Matignon, où Raymond Barre s’installe de 1976 à 1981.

2°) La politique libérale des gouvernements Barre

a) Raymond Barre, premier ministre : priorité aux objectifs économiques

  •  professeur d’économie politique, qualifié de « meilleur économiste de France » par le président
  • sans carrière politique antérieure, il affiche un mépris total de la politique politicienne et se veut avant tout un technicien

b) Une politique de lutte contre l’inflation et de défense de la monnaie

• politique d’austérité avec blocage du pouvoir d’achat ayant pour objectif  l’assainissement de l’économie française et la restauration de la compétitivité des entreprises

  • augmentation des impôts
  • blocage des prix
  • resserrement du crédit

• volonté de restauration de la marge de profit des entreprises par allégement des charges sociales + diminution des contrôles sur celles-ci

• arrêt de l’aide aux entreprises en difficulté : les « canards boiteux » doivent disparaître et les aider serait gaspiller l’argent de l’état.

• encouragements à l’orientation de l’épargne vers l’investissement industriel

c) Les résultats

• amorce de redéploiement de l’industrie française et assainissement

• effets positifs contrecarrés par le second choc pétrolier de 1979-1980

• augmentation spectaculaire du chômage

• mécontentement croissant dans l’opinion et usure accélérée du pouvoir du fait de cette politique très impopulaire

3°) La France coupée en quatre.

a) La division de la majorité de droite

1. le R.P.R.[7] : la droite conservatrice chiraquienne
  • Le R.P.R. est créé par J. Chirac en Décembre 1976 et succède à l’U.D.R.
  • Conflit larvé avec le président et les giscardiens, et conquête de la mairie de Paris par J. Chirac en 1976 contre le candidat giscardien M. D’Ornano

 

2. l’U.D.F.[8] : la droite libérale giscardienne
  • Fédération créée en 1978
  • Regroupement  du parti radical valoisien, du Centre Démocrate, du Parti Républicain (nouveau nom des R.I.)

b) Le déchirement de la gauche en 1977

• échec des négociations de réactualisation du programme commun en Septembre 1977 du fait de la surenchère du parti communiste,

• polémique et attaques extrêmement violentes du P.C. à l’égard du P.S.

• La rupture de l’union du fait de l’attitude du PCF fait perdre sa crédibilité à la gauche… et les élections législatives de 1978 par la même occasion …

c) Les législatives de 1978

• la droite l’emporte, avec 290 députés contre 201, même si la gauche obtient 49.8 % des voix au premier tour.

• VGE dispose d’une majorité mais le R.P.R. continue à le paralyser…

• la France se partage entre quatre forces pratiquement équivalentes :

 

R.P.R.  22.5 %

U.D.F  21.4 %

P.S.  22.8 %

P.C.  20.6 %

Conclusion  :

Sur le plan de la construction européenne, la contribution du président Giscard d’Estaing est essentielle avec une relation franco-allemande privilégiée qui permet la création du conseil européen en 1974, la création d’une cour des comptes européenne en  en juillet 1975, l’entrée en vigueur du SME en mars 1979, l’élection du parlement européen au suffrage universel en Juin 1979.

Cependant les grands problèmes du pays ne sont pas résolus et la montée du chômage va peser lourd sur l’élection présidentielle de 1981.

 

III. LES ANNEES MITTERRAND, EXPERIENCE SOCIALISTE ET COHABITATIONS : 1981-1995

A. L’ALTERNANCE et L’EXPERIENCE SOCIALISTE : 1981-1986.

1°) La victoire de la gauche

a) L’élection présidentielle de 1981

1. Les résultats
1.1. Premier tour

V. GISCARD D’ESTAING…….. 28.2 %

MITTERRAND…….. 25.9 %

J. CHIRAC…….. 17.9 %

G. MARCHAIS…….. 15.4 %

Le reste des voix entre 6 petits candidats qui font tous moins de 4 %

1.2. Second tour : 10 Mai 1981

MITTERRAND…….. 51.8 %

GISCARD…….. 48.2 %

Pour la première fois de l’histoire de la Vème République, un président de gauche entre à l’Elysée.

2. Analyse du scrutin
2.1. Le président sortant a été desservi par une conjonction de facteurs défavorables :

La dégradation de son image de marque, de son personnage

– campagne de presse relative à une prétendue compromission dans l’affaire des diamants acceptés de Bokassa, empereur de Centrafrique

– style hautain et aristocratique ayant fini par lasser les français

La division de la majorité avec une campagne très critique de J. Chirac au premier tour, son appel au désistement fait du bout des lèvres, ses manœuvres en sous-main pour faire élire …Mitterrand !

L’usure du pouvoir

– ni renouvellement des hommes, ni renouvellement des idées

– pas de programme, pas de perspectives pour la France, gestion à court terme, au jour le jour

– politique d’austérité très impopulaire de M. Barre

La montée du chômage

®   VGE est en fait le président de l’entrée dans la crise et son mandat est  assimilé à celui de l’explosion du chômage.

2.2. Les atouts de F. Mitterand, servi par plusieurs facteurs favorables

Une image rassurante et un slogan très adapté et très porteur : « La force tranquille »

Le renouveau du parti socialiste, riche d’idées et de talents

La défaite du P.C.F, qui apparaît moins dangereux dès lors que plus faible

Le vote anti-Giscard, de très nombreux électeurs ne voulant assurément pas le reconduire pour 7 ans et votant en conséquence …

b) Les élections législatives et le triomphe de la gauche.

Dès son entrée en fonction, F. Mitterrand nomme Pierre Mauroy, maire de Lille et socialiste de longue date, à la fonction de premier  ministre.

Il dissout l’assemblée nationale pour pouvoir gouverner et ne pas être entravé par une majorité hostile.

1. La vague rose des législatives.
1.1. Un raz-de-marée socialiste

37.6 % des voix au premier tour

270 députés socialistes, 285 avec leurs alliés du M.R.G., soit la majorité absolue à eux seuls !!! ( total des sièges : 488 )

333 députés de gauche si l’on ajoute ceux du P.C.F.

« une chambre introuvable », la seconde de la Vème république[9]

1.2. La confirmation du recul communiste : 16 % des voix

Le P.C.F. est donc en voie de marginalisation dans la vie politique faute d’avoir su s’adapter et se rénover.

A la faveur de la crise, une partie de son électorat populaire va basculer vers l’extrême-droite !

1.3. La confirmation de la défaite de la droite

moins de 40 % des voix au premier tour

un nombre limité de députés : 83 R.P.R., 61 U.D.F. et 11 divers droites

Remarque

La constitution de la Vème république se trouve renforcée puisque la preuve est apportée qu’elle autorise l’alternance, ce qui est un principe fondamental de la démocratie.

2. Le nouveau gouvernement Mauroy
  • gouvernement remanié à la suite des élections législatives
  • gouvernement comprenant quatre ministres ou secrétaires d’état communistes, ce qui constitue la principale innovation et s’explique de plusieurs manières :

pour ancrer la majorité à gauche, satisfaire l’électorat communiste qui a contribué à l’élection de F. Mitterrand

pour poursuivre la marginalisation du P.C.F. (4  ministres sur un total de 43)

pour neutraliser le P.C.F. par la solidarité gouvernementale et la C.G.T. sur le terrain social par la même occasion

2°) L’état de grâce et le changement : 1981-1982

La victoire de la gauche et les premiers mois qui la suivent constituent « l’état de grâce » : l’opinion suit avec sympathie les réformes engagées alors que l’opposition, abasourdie par sa défaite, est réduite au silence pour quelque temps.

Le discours de la gauche est alors très radical : « stratégie de rupture avec le capitalisme », volonté de « changer la vie »

a) Les mesures économiques et sociales et la politique de relance

La priorité est donnée à la lutte contre le chômage avec une politique keynésienne très volontariste.

  •  Augmentation

du SMIC et des bas salaires

du minimum vieillesse

de l’allocation logement

des allocations familiales

  • 5ème semaine de congés payés
  • Réduction de la semaine de travail à 39 heures sans diminution de salaire (Première étape sur la voie des 35 heures que Mitterrand ne fera jamais)
  • Retraite à 60 ans (au lieu de 65)
  • Création de 55 000 emplois dans la fonction publique en 82
  • « Contrats de solidarité » octroyant des avantages aux entreprises qui embauchent
  • Augmentation des dépenses publiques de 27.5 % et déficit budgétaire
  • Desserrement du crédit
  • Institution d’un impôt sur les grandes fortunes (I.S.F.)

b) Les réformes de structure

1. La Décentralisation

®   Mise en œuvre par le ministre de l’intérieur, Gaston Deferre

®   Objet rapprocher les centres de décision de la population en transférant des pouvoirs de l’état exercés par les préfets vers les élus des collectivités municipales, départementales ou régionales.

Dans les régions,

– Le Conseil régional est désormais élu au SU, et son président devient un personnage important.

– Des ressources fiscales et des responsabilités

Dans les départements

– Le conseil général dispose aussi de prérogatives nouvelles

– Le président du conseil général devient le personnage le plus important du département, et le préfet, qui prend le nom de «Commissaire de la République» se limite à la direction des services de l’état tout en étant le garant du respect de la loi.

Dans les communes

– Les maires disposent d’attributions plus importantes  (ex : l’octroi des permis de construire)

2. Les nationalisations
2.1. De grands groupes industriels

C.G.E., Thomson-Brandt pour le matériel électrique et électronique,

Rhône-Poulenc, Péchiney-Ugine-Kulhman, Saint-Gobain-Pont-à-Mousson pour la chimie et la métallurgie

Usinor et Sacilor dans la sidérurgie

Prise de participation majoritaire chez Dassault et Matra pour l’armement

2.2. Dans le domaine bancaire

Nationalisation de 36 banques et deux compagnies financières : Suez et Paribas

L’état maîtrise désormais  totalement le crédit et étend aussi son emprise dans le domaine industriel par l’intermédiaire des participations des banques dans les sociétés industrielles

Remarque :

L’état à désormais la possibilité d’orienter de façon décisive l’économie nationale et de restructurer plus facilement la production industrielle.

Il s’agit de nationalisation à 100 %, extrêmement coûteuses donc puisqu’il faut évidemment indemniser les actionnaires, la voie de la modération consistant à créer des sociétés d’économie mixte  à 50 %-50 % ou 51 %-49 % n’ayant pas été retenue.

c) Des réformes pour une société plus juste et plus libre

1. D’importantes réformes judiciaires pour un état moins répressif
  • abrogation de la peine de mort
  • abrogation de la « loi Sécurité et Liberté » de Peyreffite et de la « loi anticasseurs »
  • abolition des tribunaux d’exception (Cour de Sûreté de l’état)
  • adoucissement du régime pénal
  • suppression des Q.H.S. dans les prisons (Quartiers de Haute Sécurité)
  • nouveaux droits aux travailleurs ( droits syndicaux étendus dans l’entreprise)
  • modernisation des équipements et réforme des études médicales
  • fin de la coexistence des secteurs public et privé dans les hôpitaux
  • création d’une « Haute Autorité »
  • fin du contrôle du pouvoir sur la T.V. et libération de l’information
  • autorisation ces radios locales privées : liberté sur la bande F.M.
2. Les « lois Auroux »
3. Une nouvelle politique de la santé est mise en œuvre
4. La réforme de l’audiovisuel
5.  Réforme de l’université

3°) Le retournement : le temps de la rigueur et des difficultés,  1982-1986.

a) Le tournant de 82-83 : changement de cap économique

1. L’échec de la politique de relance
1.1. Des raisons d’ordre général

l’industrie française ne s’avère pas en mesure de saisir sa chance avec la politique de relance et celle-ci profite finalement plus à l’industrie allemande ou japonaise.

la France est le seul pays à mener une politique de relance de ce style alors que nos voisins et partenaires mènent déjà tous une politique de rigueur : elle est totalement à contretemps et complètement isolée.

il s’avère impossible de rompre avec les contraintes de l’économie de marché : la réalité est têtue et ne se plie pas aux volontés de l’idéologie !

1.2. L’aggravation du chômage

pas de redressement de l’activité ni de l’emploi

le chômage continue à augmenter et passe le cap des deux millions de chômeurs en Mai 1983

1.3. Des déséquilibres financiers catastrophiques

les déficits se creusent

– déficit commercial et de la balance des paiements

– déficit budgétaire

– déficit des systèmes de protection sociale : sécurité sociale et assurance-chômage

l’endettement de la France augmente

l’inflation, bien qu’en baisse, reste supérieure à celle de nos voisins

1.4. Des dévaluations en cascade

le franc est menacé et le ministre des finances, Jacques Delors doit dévaluer à plusieurs reprises : 3 dévaluations en deux ans ! ( automne 81, printemps 82, Mars 83) sans qu’aucune d’entre elles n’améliore la situatin !

le franc totalement affaibli est donc sur le point de devoir quitter le SME[10]

2. Le réajustement

• Le réajustement commence dès  Juin 82,  se confirme à l’automne 82, mais le véritable tournant se situe en Mars 83 avec la rigueur

2.1. Le dilemme

Les élections municipales de Mars passées, marquées par une cuisante défaite de la majorité, il faut trancher le débat qui est ouvert au sein du gouvernement

– ou bien continuer la politique de réformes sociales, quitte à affaiblir la compétitivité française, à prendre des mesures protectionnistes sur le plan monétaire et commercial, à sortir du S.M.E. et à tourner le dos à la construction européenne.

– ou bien  continuer la construction européenne, renoncer aux réformes, renforcer la politique de rigueur et s’engager dans une politique de défense du franc.

Le Président tranche finalement pour la seconde solution.

2.2. La rigueur

Les mesures

– augmentation des impôts

– emprunt obligatoire

– augmentation des prix des services publics

– sévère contrôle des changes

– 3ème dévaluation

La priorité passe à la lutte contre l’inflation et au rétablissement des grands équilibres :

–  Les français sont invités à plus d’austérité et à accepter  une baisse de pouvoir d’achat.

– Le choix est courageux et seule la gauche pouvait sans doute l’imposer sans agitation sociale excessive.  Il lui en coûtera politiquement très cher.

La politique entamée par P. Mauroy et son ministre des finances J. Delors va être continuée sous le gouvernement Fabius avec Pierre Bérégovoy aux finances.

b) Le bilan de la rigueur : mécontentement croissant et déception

1.Bilan positif sur le plan économique
  • L’assainissement économique et la modernisation de l’économie s’amorcent  : l’inflation baisse et les équilibres financiers se rétablissent progressivement
  • le pouvoir d’achat stagne ou diminue
  • le chômage augmente lourdement ( 2.5 millions à la fin de 1984 )
  • le mécontentement s’amplifie
  • certes les socialistes se réconcilient avec l’économie de marché et l’entreprise, abandonnant leurs vieux schémas de pensée surannés hérités d’un autre siècle, mais l’espérance est déçue puisque la gauche cesse son activité réformatrice et mène désormais une politique qui ressemble de plus en plus à celle de la droite.
  • l’opinion se détache de plus en plus de la gauche au pouvoir
2. Bilan négatif sur le plan social
3. Bilan négatif sur le plan politique

impopularité du président Mitterand et de P. Mauroy

affaiblissement électoral : la gauche recule et va de défaite en défaite (cantonales en 82, municipales en 83, européennes en 84, et plus tard législatives de 86)

… la facture est très lourde… et les « déçus du socialisme » sont maintenant légion…

c) Une opposition de plus en plus vigoureuse et diversifiée.

1. Le parti communiste rompt l’union de la gauche
  • En Août 1984, démission du gouvernement Mauroy et mise en place du gouvernement Fabius
  • Le gouvernement Fabius est un gouvernement socialiste homogène car le P.C.F. préfère ne pas y participer
  • Le P.C.F. glisse dans une attitude d’opposition de plus en plus radicale à la politique du gouvernement, achevant de briser l’union de la gauche, plutôt que de se remettre lui-même fondamentalement en cause.
  • aux européennes de 1984 le Front National de J.M Le Pen  obtient 11 % des voix !
  • cette percée, effectuée à la faveur de la crise et des faiblesses de la droite divisée, s’effectue essentiellement sur le problème de l’immigration et de la sécurité
2. L’extrême-droite effectue une percée spectaculaire
3. La droite conduit de violentes batailles
3.1. Dans la presse, essentiellement contrôlée par elle
3.2. A l’assemblée nationale

attitude d’obstruction systématique et recours fréquents au conseil constitutionnel

3.3. Dans la rue, sur la question de l’école privée

Après plus de six mois de manifestations multiples en province notamment, c’est environ un million de personnes qui se retrouvent à Paris pour manifester contre le projet Savary en Juin 84 !

Réussite des partisans de l’école privée qui obtiennent finalement l’abandon du projet de loi Savary qui voulait unifier les systèmes privé et public d’éducation.

– F. Mitterrand annonce le retrait du projet, et A. Savary démissionne.

– Quelques jours tard, c’est le gouvernement Mauroy qui démissionne.

3.4. Au Sénat

Opposition vigoureuse et victorieuse au projet de modification de la constitution proposé par le président de la république pour étendre le champ d’application du référendum  à l’extension des libertés.

Il s’agissait en fait d’une sorte de contre-feu allumé par le président pour détourner l’attention à la suite de l’échec du grand projet sur l’école.

d) Le gouvernement Fabius et le grand tournant des socialistes : 84-86

1. Une pratique plus libérale du pouvoir
  • apaisement de la querelle scolaire
  • un discours et une politique plus pragmatiques et moins dogmatiques

baisse des impôts sur les entreprises et les particuliers

réhabilitation du rôle du marché dans la régulation économique

éloge de la notion de profit

accent mis sur la modernisation de l’économie française avec priorité à la lutte contre l’inflation,

  • c’est un véritable « aggiornamento » pour les socialistes, qui en désempare plus d’un, et déçoit sérieusement sympathisants et électeurs ! Quelle est donc l’identité d’une gauche qui tient de plus en plus un discours semblable à celui de la droite ?
  • permanence du chômage
  • troubles graves en Nouvelle-Calédonie entre canaques (autochtones) et caldoches (français)
  • affaire du « Rainbow Warrior »
2. Des difficultés persistantes et nouvelles

navire de Greenpeace militant contre les essais nucléaires français dans le Pacifique, coulé dans le port d’Oakland par les services secrets français …

le ministre de la défense, Charles Hernu doit finalement démissionner.

3. Les dernières réformes
  • Introduction du secteur privé à la T.V. (création de Canal + et de la 5ème chaîne)
  • Mise à jour et modernisation du Code Pénal ( Badinter )
  • Réforme de la loi électorale avec institution de la proportionnelle, appliquée pour les législatives de mars 86. Il s’agit en fait de réduire, d’amputer la victoire annoncée de la droite qui, à peine victorieuse, rétablira d’ailleurs le scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Cette manœuvre envoie à l’Assemblée Nationale un important groupe parlementaire du Front National qui dispose maintenant d’une tribune de premier ordre !
  • la gauche nettement battue

B. LE TEMPS DES ALTERNANCES  et d’UNE DEMOCRATIE PLUS paisible.  (1986-95)

1°) La Première Cohabitation : 1986-1988.

a) La victoire de la droite

1. Les résultats des législatives de 86

le P.C.F. confirme son recul avec moins de 10 % des suffrages

le P.S. se conforte comme premier parti de France avec plus de 31 % des voix

  • l’apparition de l’extrême-droite à la chambre

Avec 10 % des voix le Front National fait une apparition remarquée à la chambre où il compte 35 députés.

  • la droite victorieuse

45 % des voix

victoire amortie par le mode de scrutin : 291 élus sur 577 (157 R.P.R. et 134 U.D.F.)

2. Le gouvernement Chirac
  • monsieur Chirac est nommé Premier ministre par le président Mitterand, dans le respect du régime parlementaire  ( puisqu’il est le chef du parti majoritaire de la coalition majoritaire )
  • le gouvernement Chirac comprend

M. Balladur, ministre de l’Economie, des Finances et de la Privatisation

M. Pasqua à l’intérieur (questions sécuritaires au cœur de la campagne électorale

3. La cohabitation, expérience inédite dans l’histoire de la Vème République
  • première fois qu’un président de la république doit composer avec une assemblée et un gouvernement qui ne sont pas de sa famille politique
  • un nouveau fonctionnement des institutions :

le gouvernement « dirige et conduit la politique de la nation », en un mot gouverne, sans partage en matière de politique intérieure

le président de la république continue à exercer un pouvoir en politique extérieure et défense nationale, qu’il partage cependant avec le gouvernement : l’exécutif est en quelque sorte bicéphale

  • un fonctionnement plutôt tendu et assez conflictuel entre messieurs Mitterrand et Chirac…
  • un train de privatisations

b) L’action du gouvernement Chirac : une inspiration néo-libérale

concernent des entreprises nationalisées en 82 mais aussi à la Libération

65 entreprises sont privatisées dans l’industrie, les assurances et les banques, ainsi que dans le secteur de la communication ( TF1 )

  • abolition de l’impôt sur les grandes fortunes
  • libération totale des prix
  • suppression de l’autorisation administrative de licenciement
  • vague d’attentats terroristes à Paris, à l’automne 86 et inquiétude dans l’opinion
  • prises d’otages au Liban
  • krach  boursier d’Octobre 87 qui ralentit sérieusement l’intérêt des petits porteurs pour les privatisations

c)  Les difficultés du gouvernement Chirac

1. Des difficultés d’ordre international
2. Des difficultés d’ordre intérieur
2.1. Le gouvernement est critiqué sur plusieurs fronts

sur sa gauche bien entendu, notamment par le président Mitterrand hostile à sa politique

sur sa droite par l’extrême-droite qui dispose désormais du porte-voix de l’Assemblée Nationale

au sein même de la majorité, avec les critiques à peine voilées de Raymond Barre

2.2. Agitation étudiante et recul sur la loi Devaquet

projet Devaquet de réforme de l’enseignement supérieur, avec hausse des droits d’entrée à l’Université  et instauration d’une sélection accrue

opposition des étudiants et importantes manifestations

Le gouvernement doit finalement retirer son projet.

2.3. Agitation sociale :

grève à la SNCF de près d’un mois, au cœur de l’hiver

2.4. Agitation en Nouvelle-Calédonie

l’affirmation de la revendication indépendantiste canaque dégénère : assassinat de gendarmes, prise d’otages,

au printemps 88, en pleine campagne électorale présidentielle, le gouvernement décide l’emploi de la force à Ouvéa pour  faire face à une prise d’otages, mais leur libération se solde par la mort de 2 gendarmes et de 19 canaques.

2°) Le second septennat de Mitterand : l’usure du pouvoir socialiste : 1988-93

a) Les élections de 1988

1. Les présidentielles.
1.1. Le Premier tour

F. MITTERRAND….. 34.1 %….. ….. ….. PS

J. CHIRAC….. 19.9 %….. ….. ….. RPR

R. BARRE….. 16.5 %….. ….. ….. UDF

JM LE PEN….. 14.4 %….. ….. ….. FN

A. LAJOINIE….. 6.8 %….. ….. ….. PCF

1.2. Le Second tour

F. MITTERRAND….. 54 %

J. CHIRAC….. 46 %

1.3. Analyse

François Mitterand a bénéficié d’un certain recul pris avec le pouvoir de décision dans les années  de la cohabitation. Il apparaît à la fois comme le garant des institutions et des acquis sociaux, et incarne davantage l’unité du pays que son rival du second tour.

J. Chirac  subit davantage l’usure du pouvoir en tant que premier ministre et est en outre victime de la division de la droite.

La progression de JM Le Pen incarne le désarroi d’une part croissante de la population, sensible au populisme et à la démagogie.

le nouveau recul du P.C.F. confirme sa marginalisation dans la vie politique et la société françaises

2. Les législatives de 1988

F. Mitterand dissout l’Assemblée Nationale

La droite perd les élections législatives et la gauche est à nouveau majoritaire à l’assemblée, mais le P.S. et ses alliés MRG ne disposent cette fois-ci que de la majorité relative

b) Le gouvernement Rocard ( 1988-91 ) : le temps de l’ouverture

1. Une politique économique de rigueur salariale et budgétaire
  • politique de défense du franc, avec P. Bérégovoy aux finances
  • Þ nombreux conflits sociaux
  • Création du R.M.I. [11], financé par un impôt de solidarité sur la fortune
  • Création de sa C.S.G.[12], destinées à renflouer les caisses de la sécurité sociale, et pesant sur tous les revenus (et non plus sur les seuls revenus salariaux)
  • organisation d’un référendum
  • nouveau statut du territoire
  • rendez-vous pris dans 10 ans pour l’indépendance éventuelle
  •  Au total une pratique du pouvoir plutôt consensuelle et dépassionnée dite « méthode Rocard », qui ménage tantôt les centristes, tantôt les communistes, caractérisée par la modération des réformes
  • Une popularité élevée de M. Rocard dans l’opinion, mais une politique qui déplaît de plus en plus aux socialistes car jugée trop peu « à gauche »
  • Des relations toujours délicates avec le président, qui reproche au gouvernement son « déficit social » en Juin 1990. Il est vrai que le Président déteste cordialement son premier ministre …
  • Le 15 Mai 1991 le Président exige la démission de son premier ministre.
  • Nomination pour la première fois en France d’une femme au poste de premier ministre
  • L’image du nouveau premier ministre s’altère cependant très rapidement :
2. Une politique de justice et de  dialogue social
3. L’apaisement en Nouvelle-Calédonie
4. Participation de la France à la Guerre du Golfe
5. Bilan

c) Le temps des désillusions

1. L’intermède Cresson (mai 91- avril 92)

violence verbale peu appréciée

regain de mouvements sociaux ( infirmières, paysans… )

multiplication de scandales politico-financiers discréditant davantage le parti socialiste : il ne peut même plus se distinguer par la morale comme il le prétendait auparavant ! …

  • Une vive et rapide impopularité, qui rejaillit rapidement sur le président !
  • Une démission rapide : le premier ministre le plus éphémère de la Vème république avec 323 jours à Matignon !
2. Le gouvernement Bérégovoy (avril 92- mars 93)
2.1. quelques éléments positifs

l’inflation est réduite à 2 % et les échanges extérieurs s’améliorent

un référendum ratifie le traité de Maastricht en Septembre 1992 (signé le 7 Février 92) mais avec seulement 51 % de « oui »

2.2. un discrédit aggravé des socialistes

un contexte économique très difficile : stagnation économique puis baisse de la production, recul des investissements et de la consommation, montée du chômage qui passe le cap des 3 millions à la fin de l’année 92, développement de l’exclusion ; 1993 est vraiment l’année noire pour la France

multiplication des scandales politico-financiers (système de fausses factures pour le financement du PS)

affaire du sang contaminé (le CNTS[13], faute d’avoir pris les précautions nécessaires en 1985, a contribué à l’extension de l’épidémie de SIDA

divisions et luttes internes au P.S. dans la perspective des présidentielles

Ce climat contribue à entretenir une crise morale latente, à éloigner une partie de l’électorat des partis traditionnels, à développer un vote protestataire, à accentuer l’irrémédiable divorce entre l’opinion et un parti socialiste décevant qui a perdu son identité sans être capable de s’en forger une autre, et bien sûr, à préparer la victoire de la droite aux législatives de 1993.

3°) « La seconde cohabitation » : 1993-1995

a) Les législatives de Mars 93: triomphe de la droite

• effondrement du P.S. confirmé :

=17.4 % des voix au premier tour et 70 sièges

– Le suicide de l’ancien premier ministre Pierre Bérégovoy le premier mai 1993 symbolisera tragiquement l’effondrement du parti socialiste.

• triomphe de la droite qui l’emporte très largement avec 44 % des voix, elle obtient 484 sièges (soit 84 % des sièges !…)

= 242 RPR

= 206 UDF

+ 36 divers droites

b) Le gouvernement Balladur

• * Jacques Chirac ne souhaitant pas redevenir premier ministre dans la perspective de l’élection présidentielle de 1995, c’est Edouard Balladur que le président de la République appelle à Matignon. Cette seconde cohabitation se déroulera de manière plus paisible que la première.

• Un style politique calme et pondéré, très rassurant, facilité par le silence d’une gauche réduite au silence par l’ampleur de sa défaite, et fort apprécié par l’opinion.

1. Des réussites
  • nouvelle campagne de privatisations en 1994
  • succès d’un grand emprunt
  • négociations du GATT menées de manière satisfaisante face à la pression US
  • attaques de la spéculation internationale contre le franc surmontées
  • réforme du régime des retraites
  • acquisition de la nationalité française rendue plus difficile
  • stabilisation et léger déclin du chômage au début 95 du fait de la reprise économique

Þ forte popularité du premier ministre, qui le conduira d’ailleurs à se présenter à l’élection présidentielle de Mai 1995.

2. Des difficultés et des échecs
  • retrait de la réforme de la loi Falloux trop favorable à l’école privée
  • retrait de la réforme du C.I.P. (contrat d’insertion professionnelle) très mal accueilli par la jeunesse qui manifeste
  • déficit budgétaire croissant et préoccupant
  • multiplication des affaires politico-financières touchant des membres du gouvernement amenés à démissionner.
  • un style qui reste trop aristocratique et volontiers condescendant

 

Conclusion

Les problèmes de société prennent en France une ampleur considérable : problèmes de santé, de culture, d’éducation, d’immigration, de bioéthique, de chômage et d’exclusion, de traitement de la délinquance, de violence dans les banlieues sur fond de drogue et de peur du SIDA… Ces problèmes n’ont reçu jusqu’alors que des solutions aussi partielles qu’embryonnaires et ils amplifient de ce fait la crise de confiance profonde de l’opinion à l’égard d’une classe politique éclaboussée par des scandales.

L’élection de Jacques Chirac à la Présidence de la République en Mai 1995 s’effectue sur le thème de la « fracture sociale » et du fait du soutien d’une large fraction de la jeunesse. J. Chirac a distancé E. Balladur au premier tour et battu Lionel Jospin, candidat de gauche au second  et son élection marque le retour des gaullistes au pouvoir.

Le gouvernement Juppé , deviendra rapidement impopulaire du fait des difficultés économiques et de problèmes de communication. La dissolution hasardeuse de l’Assemblée Nationale en 1997 ramènera une majorité de « gauche plurielle » au palais Bourbon, et M. Jospin à l’Hôtel Matignon. Une nouvelle période de cohabitation commence alors, avec un président de droite et un gouvernement de gauche cette fois-ci

Toujours est-il que les institutions de la Vème République, quelles que soient les péripéties électorales, ont permis aussi bien l’alternance que la cohabitation ; en  faisant ainsi la preuve de leur souplesse, en constituant la garantie d’un bon fonctionnement de la démocratie, elles représentent dans la France un pôle de stabilité  permettant d’éviter une crise de régime qui, dans un tel contexte, aurait pu être aussi funeste que dramatique.

 


[1] CDP  = Centre Démocratie et Progrès, parti centriste rallié au gaullisme

[2] PSU = Parti Socialiste Unifié ( dissidents de la SFIO hostiles à la guerre d’Algérie + éléments d’extrême-gauche )

[3] MLF = Mouvement de Libération de la Femme

[4] ORTF = Office de Radio Télévision Française avec situation de monopole pour l’émission radio et TV

[5]  SMIC = Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance

[6] MRG = Mouvement des Radicaux de Gauche

[7] RPR = Rassemblement  Pour la République

[8] UDF = Union pour la Démocratie Française

[9]  La première avait été élue en Juin 1968 avec un raz de marée gaulliste de l’UDR

[10] SME : Système Monétaire Européen

[11] RMI = Revenu Minimum d’Insertion

[12]  CSG = Constribution Sociale Généralisée

[13]  CNTS = Centre National de Transfusion Sanguine

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