Génocide rwandais – 20 ans après

Hutu et Tutsi : 40 ans d’affrontements dans l’Afrique des Grands Lacs

40 ans d’affrontements dans l’Afrique des Grands Lacs, qui culminent en 1994 avec le génocide rwandais, suivi d’un premier conflit au Zaïre. C’est toute la région qui s’embrase dans les années 1996-97, avec sept pays en guerre sur le sol de la République démocratique du Congo, dont les richesses minières sont l’objet de toutes les convoitises. En 2003, un espoir de paix se fait jour, discrètement soutenu par la communauté internationale.

Au coeur du continent africain, la région des Grands Lacs, entité géopolitique modelée du Nord au Sud par un chapelet de lacs formant des frontières naturelles entre les pays qui les entourent : République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre), Ouganda, Rwanda, Burundi et Tanzanie, tous peuplés de nombreuses ethnies. Au coeur de cette région, la province du Kivu, située dans la partie est de la République démocratique du Congo : province jadis florissante, convoitée pour ses richesses minérales, traditionnel creuset de migrations transfrontalières, agitée de longue date par des flambées de violences interethniques en particulier entre Hutu et Tutsi originaires du Rwanda et du Burundi voisins. Depuis 1996, celles-ci ont engendré deux conflits successifs. Ils sont marqués par un  déchaînement de combats, de massacres interethniques, de pillages, de viols impliquant plusieurs pays et un imbroglio de groupes armés.

Comment expliquer le déchaînement de combats, de massacres interethniques, de pillages, de viols qui ravagent depuis lors le Kivu sans remonter aux origines anciennes des violences ethniques entre Hutu et Tutsi dans l’Afrique des Grands Lacs ? Sans mettre en lumière les germes de la discorde entretenus à l’époque coloniale au Rwanda et au Burundi ? Sans prendre en compte l’exiguïté, la surpopulation et les conflits fonciers de ces deux minuscules pays pour qui le Kivu voisin fut un déversoir démographique ? Sans, enfin, mesurer l’onde de choc provoquée par le million de victimes du génocide rwandais de 1994 et la vague d’1,2 million de réfugiés rwandais déferlant sur le Kivu.

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En 1996-1997 éclate un premier conflit, le conflit du Zaïre, dans lequel le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi soutiennent une rébellion zaïroise tutsi pour renverser le président zaïrois Mobutu Sese Seko et le remplacer par Laurent-Désiré Kabila.

En 1998-2003 suit un deuxième conflit, le conflit des Grands Lacs, dans lequel ces mêmes pays soutiennent une nouvelle rébellion tutsi pour écarter, cette fois, L-D Kabila du pouvoir. Le conflit prend alors une dimension régionale d’une grande complexité en raison de l’implication de sept pays africains et de nombreux groupes rebelles dans les combats, pillant les ressources naturelles de la République démocratique du Congo et commettant les pires atrocités sur la population.

L’intervention de l’ONU et de fragiles accords de paix signés entre belligérants permettent à la RDC, point névralgique des conflits, de s’engager dans une difficile période de transition entre 2003 et 2006, oscillant constamment entre espoir de paix et violences, attisées par les luttes d’influence entre le Rwanda et l’Ouganda.

Cet espoir de paix est relayé par la Conférence internationale de la région des Grands Lacs (CIRGL). Les deux premiers sommets des onze Etats membres, en 2004 et 2006, affirment leur volonté de stabiliser la région et concrétisent cet objectif par la signature du Pacte de sécurité, de stabilité et de développement. La mise en œuvre en est confiée aux parlementaires concernés début 2007, ouvrant de réelles perspectives de stabilisation entre les pays de l’Afrique des Grands Lacs.

Chronologie contemporaine

La colonisation

1860 – L’explorateur anglais John Speke, le premier européen à atteindre le Lac Victoria mentionne dans ses écrits l’existence du Rwanda qu’il a pu apercevoir de la rive tanzanienne de la Kagera.

1884/1885 – Lors de la conférence de Berlin, réunie à l’initiative de Bismarck, les Européens se partagent l’Afrique. La région comprenant le Tanganyika, le Rwanda et le Burundi est attribuée à l’Allemagne.

1924 – Après la défaite de l’Allemagne à l’issue de la Première guerre mondiale, le Rwanda est « confié » à la Belgique, avec « mission de civilisation basée sur un système d’administration indirecte ».

1931 – L’administration coloniale belge impose aux Rwandais une carte d’identité mentionnant l’ethnie, hutu ou tutsi. Elle restera en vigueur jusqu’en 1994.

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La proclamation de la République

1er novembre 1959 – « Toussaint rwandaise »: les Hutu massacrent des Tutsi et le 28 janvier 1961, ils proclament la République. L’indépendance officielle sera accordée par la Belgique le 1er juillet 1962. Les Hutu gardent le pouvoir pendant plus de 30 ans.

Décembre 1963 – Offensive d’exilés tutsi sur le Rwanda à partir du territoire burundais. Les représailles font 10 000 morts. Entre 1959 et 1963, près de 300 000 Tutsi rwandais partent en exil, soit la moitié de la population tutsi du pays.

5 juillet 1973 – Coup d’Etat militaire du hutu Juvénal Habyarimana. Il conserve le pouvoir pendant plus de vingt ans.

La mise en place du génocide

Août à janvier 1993 – Succession de massacres de Tutsi et de Hutu modérés par les Interahamwe, milices pro-gouvernementales.

Avril 1993 – Fondation de la Radio-télévision libre des mille collines (RTLMC) par des financiers et des politiques proches du président rwandais Habyarimana. Cette station incite les Rwandais à haïr les Tutsi mais aussi les Hutu modérés.

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4 août 1993 – Signature des accords d’Arusha en Tanzanie entre le gouvernement et les rebelles tutsi prévoyant un partage des pouvoirs entre Hutu et Tutsi. Ils ne seront jamais appliqués.

6 avril 1994 – Attentat meurtrier contre l’avion qui ramène le président rwandais Juvénal Habyarimana (hutu) et son homologue burundais Cyprien Ntaryamira (hutu) d’un sommet régional en Tanzanie. Le lendemain dans la capitale rwandaise, tutsi et hutu modérés sont massacrés par les extrémistes hutu. C’est le début du génocide.

le début du génocide

situation en avril 1994

l’intervention militaire et humanitaire française au Rwanda

23 juin 1994 – Début de l’intervention militaire et humanitaire française au Rwanda baptisée opération Turquoise, qui durera deux mois.

Une mission polémique
Réponse de François Mitterrand

4 juillet 1994 – Après trois mois de violents combats, les rebelles tutsi du Front Patriotique Rwandais, dirigés par Paul Kagamé, entrent dans la capitale Kigali et prennent le pouvoir.

Kangura, revue raciste

Kangura était une revue rwandaise extrémiste, fondée en octobre 1990 et rédigée en kinyarwanda et en français. Elle naquit peu après que le régime de Juvénal Habyarimana subit une attaque du Front patriotique rwandais depuis l’Ouganda, le 1er octobre 1990. Le 17 décembre 1990, le journal publie un texte, les commandements hutus, qui désignent les Tutsis ainsi que les Hutus qui commercent avec eux ou qui se marient avec eux comme des traîtres dont on ne doit pas avoir pitié.

Les dix Commandements des Bahutu dans Kangura

  • 1. Tout Muhutu doit savoir que Umututsikazi [une femme tutsi] où qu’elle soit travaille à la solde de son ethnie tutsi. Par conséquent est traître tout Muhutu qui épouse une Umututsikazi.
  • 3. Bahutukazi, soyez vigilantes et ramenez vos maris, vos frères et vos sœurs à la raison.
  • 4. Tout Muhutu doit savoir que que tout Mututsi est malhonnête dans les affaires. Il ne vise que la suprématie de son ethnie.
  • 8. Les Bahutu doivent cesser d’avoir pitié des Batutsi.
  • 9. Les Bahutu doivent être fermes et vigilants contre leur ennemi commun tutsi.
  • 10.Tout Muhutu doit diffuser largement la présente idéologie.

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Un cafard ne peut pas donner naissance à un papillon.

Le sabotage des accords d’Arusha fut poursuivi par les planificateurs du génocide. Un proche d’Habyarimana, le professeur Ferdinand Nahimana, diffusa en février 1993 une note sur la nécessité d’une autodéfense civile. En mars, Kangura publia un article servant à justifier cette mobilisation des masses en des termes évidemment racistes :

« Un cafard ne peut pas donner naissance à un papillon. Et c’est vrai. Un cafard donne naissance à un autre cafard. […] L’histoire du Rwanda nous montre clairement qu’un Tutsi est demeuré identique à lui-même, qu’il n’a jamais changé. La malice, la méchanceté sont celles que nous connaissons dans l’histoire de notre pays. »

Justice et réconciliation

Au cours des années qui suivirent le génocide, plus de 120 000 individus furent enfermés et accusés de responsabilité criminelle pour leur participation aux massacres. Pour faire face à un nombre aussi important de personnes incriminées, le système judiciaire se mit à fonctionner sur trois niveaux: le Tribunal pénal international pour le Rwanda, les tribunaux nationaux et les tribunaux Gacaca.

Le tribunal pénal international pour le Rwanda a été créé par le Conseil de sécurité des Nations unies le 8 novembre 1994. Son mandat est de poursuivre en justice les personnes gravement responsables du génocide ainsi que de violations sérieuses des lois humanitaires internationales, commises au Rwanda du 1er janvier au 31 décembre 1994.

Le premier procès a commencé en janvier 1997 et, en décembre 2012, le tribunal avait terminé ses travaux concernant la phase de première instance de son mandat. Sur les 92 personnes accusées de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, 43 ont été déclarées coupables et condamnées. Deux cas ont été retirés et 10 ont été renvoyés vers des juridictions nationales (2 en France et 8 au Rwanda); Deux accusés sont morts avant la fin de leur procès et 14 des accusés ont été acquités. Neuf des accusés sont toujours en fuite. En mars 2014, les procès de 12 accusés ont été renvoyés en appel.

Plusieurs jugements repères

L’ancien maire Jean-Paul Akayesu a été inculpé en 1998 pour neuf cas de génocide et de crimes contre l’humanité, une première pour un tribunal international sur le génocide. Le jugement a été aussi le premier a retenir que le viol et les attaques sexuelles constituaient des actes de génocide-du fait qu’ils étaient commis avec l’intention de détruire entièrement ou en partie un groupe ciblé.

La condamnation en 1998 du premier ministre de l’époque du génocide, Jean Kambanda, à la prison à perpétuité, est la première fois qu’un chef de gouvernement a été condamné pour le crime de génocide.

Le « Cas des médias» jugé par le Tribunal en 2003 est la première condamnation depuis celle de Julius Streicher à Nuremberg après la deuxième guerre mondiale à faire l’examen du rôle des médias dans le contexte de la justice criminelle internationale.

tribunaux nationaux

Les tribunaux nationaux du Rwanda poursuivent en justice ceux qui sont accusés d’avoir planifié le génocide ou d’avoir commis des atrocités, en particulier des viols. Les tribunaux nationaux ont jugé environ 10 000 suspects de génocide jusqu’à la mi-2006.

En 2007, le gouvernement rwandais abolit la peine de mort qui avait été appliquée pour la dernière fois en 1998, où 22 individus avaient été exécutés après avoir été condamnés pour des crimes relatifs au génocide. Cette évolution élimina un obstacle majeur au transfert de cas de génocide du tribunal international aux tribunaux nationaux, avec la fermeture des travaux du premier.

Les juridictions populaires, dites Gacaca

Dans les juridictions Gacaca, les juges étaient élus au niveau local par la communauté pour juger les suspects de tous les crimes de génocide à l’exception de sa planification. Les juridictions infligeant des peines plus légères si l’individu était repentant et voulait se réconcilier avec la communauté. Souvent, des prisonniers ayant avoué rentraient chez eux sans être punis ou recevaient l’ordre d’exécuter des tâches communautaires. Plus de 12 000 tribunaux communautaires ont effectué plus de 1,2 millions de jugements à travers le pays.

Les jugements Gacaca servaient également à encourager la réconciliation en permettant aux victimes d’apprendre à vérité sur la mort de leurs proches. Ils donnaient aussi aux coupables l’occasion d’avouer leurs crimes, de déclarer leurs remords et de demander pardon devant la communauté. Les tribunaux Gacaca ont officiellement achevé leur mandat le 4 mai 2012.

Des relations franco-rwandaises tendues

Entretien du président Kagamé 13 septembre 2011 sur France 24

De la rupture des relations diplomatiques au bannissement du français remplacé par l’anglais.

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